Lycée

Lettre d'Abel Quentin pour les élèves et les collègues du lycée

Par Administrateur CITE, publié le jeudi 2 avril 2020 09:22 - Mis à jour le jeudi 2 avril 2020 09:22
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Une jolie évasion dans le passé...et dans le futur

Je suis venu au Lycée Jacques Marquette au début du mois de mars, à l’invitation de Monsieur Xavier GANGLOFF, professeur de lettres.

Je repense à ces quelques heures suspendues avant le week-end ; difficile créneau que celui-là, plus propice à la somnolence et à la préparation de la soirée du lendemain qu’à une discussion sur la littérature, l’adolescence et la radicalisation ! Et pourtant vous m’aviez fait le cadeau de votre curiosité et de vos interrogations. Après l’intervention, je visitais votre beau lycée avec Monsieur GANGLOFF. Nous slalomions entre les grappes d’élèves qui se donnaient des bourrades, rigolaient, chambraient. Débriefaient-ils les élucubrations de l’intervenant du jour ? Les résultats d’un contrôle ? Des 8èmes de finales de la ligue des champions ? Dans son bureau, Madame le Proviseur me montrait la vue splendide sur la Moselle ; quelques cygnes y promenaient leur indifférence.

Ces quelques heures, nous le savons aujourd’hui, étaient aussi suspendues au bord du vide : derniers après-midis du temps d’avant, dernières discussions insouciantes de ceux qui ne savent pas qu’ils dansent au bord du précipice. C’était avant le stade 3, la mise sous cloche d’un continent entier, l’inquiétude qui monte crescendo, les interventions du Président regardées religieusement comme au temps de l’ORTF. A présent que nous sommes confinés, suspendus aux chaines d’information continues, dans un pays plongé dans un silence étrange, nous y pensons avec un étonnement rétrospectif. Cet après-midi grisailleux nous parait un Eden lointain. Temps béni des échanges spontanés et chaleureux, des regards rassérénant, et de l’air pur avalé par goulées gourmandes, sans compter. Temps béni de la liberté.

Nous avions parlé de la littérature, ce jour-là. J’espère qu’elle vous sera de quelque secours dans les semaines à venir. Est-il dérisoire de parler de livres quand chacun craint pour la santé de ses proches ? Peut-être. Je la crois pour ma part essentielle en ces heures singulières où l’air se fait plus rare, où l’horizon se rétrécit. Elle ouvre des fenêtres sur d’autres vies que les nôtres. Elle aiguise l’intelligence. Elle procure du plaisir, surtout -même s’il ne se donne pas tout de suite. Peut-être les plus réticents d’entre vous attraperont un livre dans la bibliothèque familiale (ou une de celles qui fleurissent en ligne), en parcourront les premières pages et s’étonneront d’avaler les suivantes. Pour ma part, je dois aux conseils de Monsieur GANGLOFF ma première lecture de confinement : je n’aurais jamais ouvert un roman d’Anatole France s’il ne m’avait pas vanté (à raison) les mérites de cet écrivain qui n’est plus beaucoup lu, malgré les centaines de rues et d’avenues qui portent son nom. J’espère surtout que vous pourrez rapidement vous retrouver, tous, dans le préau pour de nouvelles accolades, free hugs et autres bises mouillées, sous le regard bienveillant de vos professeurs. Je peux dire qu’ils vous aiment beaucoup.

Amitiés

Abel Quentin